Près de 600 000 rescapés du tremblement de terre de janvier 2010 vivent toujours dans des camps de fortune répartis sur tout le territoire. La situation humanitaire n’a guère évolué dans ce pays où l’accès à la nourriture et à l’eau potable reste une gageure quotidienne. "Nous sommes là depuis le 12 janvier 2010. Nous n’avons rien pour aider le peuple haïtien à s'en sortir", s’inquiète Baltazar Jacques, président du camp de fortune Canapé vert, basé à l’est de Port-au-Prince. "450 familles vivent dans ce camp et nous n’avons réglé aucun problème depuis le séisme. Rien n’a changé, constate-t-il En plus, nos tentes ne sont pas en bon état. Aujourd’hui, l’ouragan est proche et nous ne savons vraiment pas quoi faire."
Quelques sacs de sables ont été disposés ça et là, autour des habitations de fortune pour se protéger contre d'éventuelles coulées de boues ou des glissements de terrain. Des mesures de protections obsolètes et dérisoires, face aux fortes précipitations attendues, ennemies des bâches et autres tentes en plastique qui sont légion sur Haïti. "Préparer un pays déjà meurtri et sans infrastructures solides à un nouveau désastre, c’est très compliqué. Notre priorité, dans l’immédiat, c’est d'aider la population à renforcer les tentes", explique Olivier Bernard.
Dans la capitale haïtienne comme dans de nombreuses provinces rurales, les personnels des ONG humanitaires sont donc sur le qui-vive. "Nous avons de quoi subvenir aux besoins des 600 000 réfugiés des différents camps après la tempête", estime de son côté Stéphanie Tremblay, qui travaille pour le Programme alimentation mondial des Nations unies. "Mais nous ne pourrons fournir cette aide que pendant 25 jours", ajoute-t-elle.Autre source d'inquiétude : la possibilité de voir une résurgence de l’épidémie de choléra s'abattre sur Haïti, l’eau étant un des principaux vecteurs de la maladie. "Nous sommes en vigilance maximale à ce sujet", précise Olivier Bernard, de Médecins du Monde. Depuis son apparition en octobre dernier, le choléra a provoqué la mort de 5 820 personnes et affecté plus de 363 000 malades, selon les chiffres officiels. L’épidémie a connu son pic maximal à l’automne 2010 avant de baisser, en janvier dernier. Mais elle n’a jamais été éradiquée de l'île.
"Nous craignons une nouvelle recrudescence des cas de choléras. L’épidémie s’était aggravée en novembre 2010, soit quelques semaines après les inondations [provoquées par le passage relativement clément de l’ouragan Tomas, ndlr]. Dans un pays où le système de santé est plus que fragile, où le traitement des eaux usées n’est pas à l’ordre du jour et où les institutions politiques sont instables, "il y a toutes les raisons de s’inquiéter, déclare le président de Médecins du Monde. Nous avons renforcer nos équipes dans nos centres médicaux à Port-au-Prince, à Petit Goâve et à Grand'Anse".
Les autorités, de leur côté, veulent faire bonne figure et affirment se tenir prêtes à évacuer les dizaines de milliers d'Haïtiens particulièrement exposés et à venir en aide, le cas échéant, à environ 300 000 personnes. Plus de 1 200 abris ont été montés pour accueillir les déplacés - de préférence "dans les lieux qui n'ont pas été touchés par le tremblement de terre", a précisé la Protection civile haïtienne.
Un dispositif d'urgence louable mais insuffisant. "Les capacités d’accueil sont limitées, il n’y a que 50 000 places prévues", explique Amélie Baron, correspondante de RFI sur place. Les autorités haïtiennes pourraient rapidement se retrouver débordées. Des centaines de maisons ainsi qu'un centre de traitement du choléra ont déjà été détruits par els pluies diluviennes ce jeudi dans la région de l'Artibonite alors que l'ouragan n'a même pas encore frappé l'île de plein fouet.
Instabilité politiquePlus de trois mois après l’élection de Michel Martelly à la présidence, et en l'absence de gouvernement, l'arrivée de cet ouragan semble d'autant plus menaçante. Pour la deuxième fois depuis le mois de mai, le Parlement a refusé de ratifier la nomination du Premier ministre désigné par le président. "Tout cela contribue à aggraver la situation humanitaire. Aucun travaux de grande envergure n’ont été menés dans le pays. On attend un nouveau gouvernement pour faire renaître l’espoir", confiait ce mercredi Carel Pedre, animateur de Radio 1, à Haïti, au micro de France 2.
Un espoir qui dépend également de l’engagement de la communauté internationale. "L’aide financière des États riches n’est pas au rendez-vous. Sans argent, sans gouvernement stable, la situation sera de plus en plus critique", s’alarme le président de Médecins du Monde. À peine 20 % des 2,12 milliards de dollars promis pour le relèvement d'Haïti en 2010 a été versé, se plaignait déjà en janvier l'ancien Premier ministre haïtien, Jean-Max Bellerive. "L’argent de la reconstruction, où est-il ? En tout cas, pas dans notre poche, ça c’est sûr", avait-il déclaré.
Du côté de la population, la patience a laissé place à la colère : "A cause de tout ça, il n’y a eu aucune préparation à l’arrivée d’Emily", explique un réfugié d’un camp de Port-Prince à un journaliste de Reuters. "Nous sommes obligés de prendre soin de nous-mêmes sans l’aide de personne, c’est vraiment un scandale."
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